Les premières difficultés d’applications du traité CEE, que nous avons vu, qui ont occupé une partie importante des années 1960, se concluront par un moment d’unification et de relance : ce sont les Chefs de Gouvernements et des Etats qui se réuniront début décembre 1969, lors de la conférence d’Aja. Il y a eu un grand changement dans la politique française, quelques mois avant : le référendum d’avril donne un résultat négatif à Charles De Gaulle, qui se retirera de la Présidence de la République. Georges Pompidou lui succèdera, qui aura un comportement plus flexible concernant les questions de l’Europe actuelle. La Conférence d’Aja est très importante pour plusieurs raisons : elle va définitivement fixer le financement de la PAC; elle va définir les ressources propres de la Communauté et ouvrir le chemin vers la négociation, et ceci est fondamental, avec 4 pays : trois parmi eux entreront dans la Communauté Européenne en 1973. Cette Conférence en même temps ouvrira le chemin vers de nouveaux problèmes, comme par exemple la grande question monétaire, qui commence avec la crise des années 1970 et ce sera aussi une première lueur dans la coopération politique. Mais la chose importante, c’est qu’à partir de ce moment, devient de plus en plus claire la réalité de l’Europe communautaire, la stabilité des Traités de Rome et en particulier, celle du Traité de la CEE. Ce que c’est cette Europe Communautaire : c’est un modèle absolument inédit de l’histoire des systèmes institutionnels et des associations entre les Etats Membres. C’est aussi l’ensemble de deux éléments fondamentaux : le premier est l’attribution d’une entité supranationale et des institutions supranationales, des pouvoirs à l’origine appartenant à la sphère des souverainetés nationales ; le deuxième élément est cependant la maintenance des compétences divisées entre Etats et institutions communautaires, avec la règle de la division des objectifs communautaires et de la coopération pour une meilleure réalisation des objectifs communautaires. Cette nouvelle entité, aussi inédite dans l’histoire des institutions internationales, est destinée à croître et à s’affirmer au cours des années 1970 en mettant en jeu trois grands facteurs évolutifs. Le premier est le nombre des pays qui appartiennent à la CEE et l’élargissement, le processus d’élargissement. Le second élément est le renforcement institutionnel et le troisième, enfin, ce sont les politiques nouvelles qui se réalisent. Et il existe trois règles qui réglementent en quelque manière l’avancement de la CEE: la première est celle des traités. Evidemment, à un certain point, il y aura des nouveaux traités, mais ceux-ci arriveront seulement durant les années 1980 avec l’Acte Unique Européen, qui entre autres, va permettre d’atteindre l’objectif historique, en 1992, de la pleine réalisation du libre marché. La deuxième règle est une règle écrite dans le traité CEE, à l’article 135, qui est devenu aujourd’hui l’article 308 du Traité sur la Communauté européenne. Que dit cet article : quand une action de la Communauté est indispensable pour atteindre un des objectifs de la communauté, sans que le Traité ait prévu les pouvoirs de l’action à cet objectif prévu, le Conseil, délibérant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après avoir consulté le Parlement Européen, prend la disposition du cas. Naissent les politiques de la recherche, la politique de l’environnement, la politique de la cohésion économique et sociale. C’est la « grande leçon » qui sera faite ensuite par Jacques Delors, personnage clé de l’évolution de l’intégration européenne : l’Europe évolue en cercles concentriques, l’Europe avance à une vitesse diverse. Si nous devions attendre que tous soient prêts, nous nous arrêterions sans arrêt, il y a quelqu’un qui avance et attend les autres, qui arrivent. Cette politique sera ensuite proclamée dans le Traité, mais bien après, à Amsterdam, avec la politique de la coopération renforcée.
|